Je trouve très intéressant l'exercice des prédictions pour 2008 qui bat son plein en ce moment. Cela oblige à faire le point, s'interroger sur ce qui est important et remettre en perspective par rapport à ce qui s'est passé l'année précédente (l'autre exercice intéressant, c'est, bien sur, de ressortir les prédictions de l'année précédente).
En avant donc et vivement l'année prochaine pour en reparler !
2008 sera, en premier lieu, l'An 1 de l'internet sur mobile.
Il revient à l'iPhone d'Apple d'avoir, avec tout autant de talent technique que mediatique, marqué cette rupture. Avant c'était la préhistoire (ce qu'a connu l'informatique en des temps reculés : multiplicité des systèmes d'exploitation, forte adhérence avec les matériels, multiplicité des architectures matérielles et des développements spécifiques au détriment de la stabilité et de l'universalité, support partiel et hétérogène des standards informatiques notamment internet,...). Tout le monde le savait mais personne ne le disait. Aujourd'hui, il est maintenant évident qu'avoir un vrai système d'exploitation sur un mobile est important, qu'avoir un vrai navigateur qui supporte l'ensemble (ou presque pour le moment) des standards internet (CSS, javascript,...) est important et que la richesse de l'experience utilisateur est importante.
Une hirondelle ne saurait cependant faire le printemps et l'internet mobile profite aussi de deux autres mouvements :
- La sortie des premiers forfaits internet illimité chez l'ensemble des opérateurs (notamment SFR avec le forfait Illimythics 3G+ à partir de 39€/mois opportunément sorti pour contrer l'arrivée de l'iPhone chez Orange). Le forfait est un facteur clé du développement des nouveaux usages en s'affranchissant de la contrainte du contrôle de la consommation.
- L'introduction des premiers smartphones grand public chez l'ensemble des opérateurs permettant d'adresser en masse ce marché de l'internet mobile (on peut citer notamment le LG KS 20 du type "Prada" à 49€ chez SFR, le Samsung i710 à 9€ chez Bouygues et le HTC Touch muni du "TouchFLO" à la iPhone à 99€ chez Orange - tous ces mobiles reposent sur le système d'exploitation Windows Mobile).
L'iPhone se révèle finalement comme une énorme opportunité pour Microsoft car il pousse à l'adoption des technologies "informatiques " sur les téléphones mobiles et des smartphones auprès du grand public. On n'a jamais autant vendu de smartphones Windows Mobile depuis que l'iPhone est là. Ceux qui me semblent avoir le plus à perdre ce sont les fabricants avec des OS "propriétaires" tel que Nokia et Blackberry/RIM.
Derrière l'internet mobile, il y a...des applications et des services.
L'internet mobile n'est que la première brique de l'édifice. C'est un vecteur de pénétration et de développement des usages. A la suite de l'usage media, il doit permettre de développer de nouveaux services à valeur ajouté qui restent à inventer et à marketer basés par exemple sur la geolocalisation, la cartographie, les contenus contributifs utilisateurs, les réseaux sociaux, etc...
Il y a déja internet me dira t-on. Pourquoi a t-on besoin d'internet sur les mobiles pour que ces services se développent ?
Deux réponses à cela :
- D'abord parce que je crois à la prédiction que le mobile sera le premier terminal d'accès à internet pour une grande majorité de la population dans le futur, notamment (mais pas exclusivement) dans les pays émergents (si toute l'Afrique échangeait sur eBay, cela serait une révolution des services internet).
- Ensuite parce je pense que l'on ne fera appel à certains services que si on les trouve en situation d'usage, c'est à dire en situation de mobilité, d'instantanéité ou de simultanéité (plusieurs canaux de communication / interaction en action en même temps). Et ces situations peuvent tout aussi bien se situer à l'intérieur du foyer qu'en mobilité (n'oublions pas que 50% des usages de la Télévision Mobile Personnelle se font à l'intérieur du foyer ainsi qu'une part significative des communications mobiles). La complémentarité des usages et l'estompement des frontières entre l'internet et le mobile me semblent être de puissants facteurs de développement des nouveaux services.
Comme l'adoption n'est pas quelque chose qui se décrète, je pense que 2008 ne sera que l'An 0,5 des services internet convergent.
Il sera intéressant de voir si ce sont des services mass market (Microsoft Live, Google, Facebook,…) ou des services "longue traine" qui développeront le marché.
Derrière les applications et les services, il y a...les technologies "enabler".
Je pense notamment :
- A l'identité sur internet (Cardspace, OpenID,...)
- A l'exposition et à la composition des API de service sur internet ("internet as a plateform" et "mashup application").
C'est l'histoire de l'oeuf et de la poule : les services "enabler" seront-ils développés en avance de phase pour permettre le développement des services finaux ou résulteront-ils de la rationalisation a posteriori des services sous-jacents aux services finaux ?
Etant donné que la dynamique d'émergence de ces services enabler existe déja (voir les courbes de publication d'API et de mashups sur programmableweb ainsi que les initiatives des acteurs internet, Microsoft Live, Amazon Web Services,...et telecom BT 21th Century, Orange,...), gageons que 2008 sera l'année de leur développement en avance de phase.
Pour les outils de mashups nous avons déja Microsoft Popfly, Yahoo Pipes et Google Mashup Editor. Ce que l'on peut attendre est leur intégration avec les API et les initiatives précédentes.
Un petit coup de Facebook
Impossible aujourd'hui de ne pas parler de Facebook. Futur Google ou futur Second Life ? A mon avis Facebook montre la bonne direction en terme d'évolution mais n'est qu'aux premiers pas de ce que l'on peut attendre d'un tel service. Il apporte déja des améliorations clés par rapport à des services qui l'ont précédés (par exemple Linkedin ou Plaxo) et je pense, notamment eu égard aux moyens financiers mobilisés et à la qualité des recrutements qui l'ont rejoints que l'on peut attendre qu'il introduise à l'avenir des innovations majeures notamment :
- Dans l'affectation et la gestion de ses contacts en différents groupes
- Dans le contrôle et la gestion plus fine de l'accès à ses données personnelles.
2008 sera donc une année Facebook et j'espère même que cela continuera en 2009 car il y a encore beaucoup à faire !
De manière plus générale, je pense que les thèmes de confidentialité, contrôle des données personnelles et "permission marketing" vont continuer d'occuper la place publique en 2008 car les problèmes existent maintenant (pas seulement sur Facebook, Google est aussi très challengé sur ce point) tandis que les solutions ne sont pas disponibles. La polémique très récente du "blocage" du compte Facebook de de Robert Scoble après sa tentative d'export en masse des données sur ses amis en utilisant une fonctionnalité alpha de Plaxo Pulse à l'encontre des règles de "privacy" et "permission marketing" édictées l'illustre bien.
Je ne sais pas si un "Facebook d'entreprise" émergera en 2008 (étant donné le conservatisme des entreprises cela m'étonnerait si rapidement) mais cela m'apparait comme la direction naturelle que prendront les outils collaboratif d'entreprise notamment pour "industrialiser" la gestion des réseaux qui prend tellement d'importance dans les entreprises (cf l'étude de McKinsey).
A plus long terme (c'est-à-dire pas en 2008), je pense que l'approche à la Facebook, c'est-à-dire une gestion des informations et des applications couplées à son réseau social avec des mécanismes de notification et de suivi, impactera l'ensemble des applications de communication et de collaboration (messagerie, portail, wiki,…). Certains y pensent déja comme Google qui veut intégrer des mécanismes sociaux à sa messagerie Gmail.
Je ne pense pas que l'année 2008 sera celle de l'interopérabilité des réseaux sociaux, de la portabilité des données personnelles et du web sémantique. Les standards (microformats, Google Open Social, APML, etc... - cf dataportability.org). et leur implémentations ne me semblent pas encore assez matures pour un développement de masse. Je pense que l'ouverture et l'évolutivité seront mieux assurée par un acteur centralisateur tel que Facebook à travers sa plateforme d'API.
La fin du "Always Connected"
Là encore, comme pour les OS mobiles, tout le monde le sait mais personne ne le dit. Cela fait des années que la promesse d'une connectivité haut débit accessible partout, à l'ensemble des devices, avec une qualité constante et généralisée à l'ensemble des applications est prédite pour l'année prochaine (depuis les années 90 et le "Network computer" en fait). Mais là, je crois que c'est vraiment terminé parce les champions du "Always connected" s'y sont tous mis pour développer des modes déconnectés cette année (Google Gear, Mozilla Prism, Adobe AIR). On peut le dire maintenant; 2008 ne sera pas l'année du "Always Connected". Au passage, j'en profite pour passer un peu de publicité pour Microsoft qui a toujours eu une large gamme de technologies sur le déconnecté sans cesse en évolution par exemple avec le très récent et très complet Sync Framework.
Comprenons-nous bien; je n'annonce pas là la fin des applications connectées, du Software as a service (Saas) ou du "Internet as a platform". De nombreux acteurs, applications et usages montrent le potentiel de développement de ce domaine (Google Apps, Salesforce) y compris chez Microsoft (Office Live Workspace, Services Live, Dynamics Live CRM,...). Mon propos est plutôt de dire que le monde n'est pas monolithique (certains le pensent encore !), que les applications uniquement connectées couvrent des besoins et des cas d'usage mais que de nombreux autres besoins et cas d'usage nécessitent d'autres modes ou des modes complémentaires de consommation des services.
Je pense que la métaphore la plus adaptée pour décrire ce contexte est le "roaming d'application". Il ne s'agit pas d'être à tout instant, en n'importe quel lieu et avec n'importe quel device connecté à ses applications mais plutôt de voir ses applications se mettre à disposition dans le contexte d'usage adapté. Ce terme de roaming semble d'ailleurs très en vogue puisque je l'ai aussi entendu sur le "roaming d'identité" avec la possibilité de déplacer un certificat ou un dispositif d'identité fort (par exemple Cardspace) de son device initial vers un autre device (tel qu'un mobile) ou vers un containeur temporaire dans un navigateur sur un ordinateur de passage.
L'année de l' internet riche
2008 sera par contre l'année des Rich Internet Application (RIA) et de l'estompement des frontières entre le web et le desktop avec notamment la sortie de Silverlight 2.0 par Microsoft qui permettra de faire tourner de véritables applications, développées et maintenables avec les outils et les processus de développement industrialisés actuels, directement dans un navigateur via une machine virtuelle intégrée dans le pluggin Silverlight. Impossible aussi de ne pas citer Adobe, très actif dans ce domaine avec ses technologies Flash, Flex et AIR.
2008 sera, dans la lancée de 2007, une année d'industrialisation d'internet. Comme j'ai pris l'habitude de la dire "internet c'est de la sidérurgie" : datacenters géants, dépenses en R&D phénoménales notamment dans les moteurs de recherche, la cartographie et les plateformes de service internet, rachat et consolidation des outils et parts de marchés sur les plateformes de publicité,… L'écosystème est en train d'évoluer et cela va continuer et modifier la répartition des rôles dans la chaîne de valeur.
Dans cette perspective, je ne crois pas à l'émergence d'un "Google killer" dans la recherche. La meilleure protection de Google dans ce domaine, c'est sa marque et son taux d'adoption. Google est devenu le "frigidaire" de la recherche. Une innovation technologique majeure ne me semble pas pouvoir renverser cet état de fait et cela d'autant plus que Google consacre l'essentiel de ses forces de développement à la recherche. Je ne vois absolument pas comment pourrait surgir un nouvel acteur d'importance dans ce contexte. Il faut se rappeler que lorsque Google s'est développé et a bousculé le leader du moment Altavista, les grands acteurs comme Yahoo ou MSN considérait la recherche comme une activité secondaire non stratégique et lui ont laissé le champ libre.
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