Suite aux réflexions au sein du groupe “Digital 4 Change Finance” (D4CF) (groupe ouvert) et du BarCampBankParis7, les acteurs du financement participatif (“crowdfunding” ou financement direct de projets) ont lancé un manifeste pour l’appui au financement participatif.
“Les acteurs du financement participatif souhaitent attirer l’attention des pouvoirs publics et des citoyens sur les opportunités que présente le soutien direct et de proximité pour le développement de projets. Ce nouveau mode de financement complète l'offre qui existe en mobilisant de petits montants individuels favorisant le développement de projets entrepreneuriaux utiles, en phase d'amorçage ou d’expansion.
Ce manifeste réunit à la fois des porteurs de projets en quête de financement, des gestionnaires de plateformes web, des investisseurs individuels, des business angels, et des citoyens souhaitant maîtriser l'utilisation de leur épargne, désireux de contribuer au développement de projets entrepreneuriaux dont ils se sentent proches et dont ils souhaitent suivre et mesurer l'impact.”
Le texte complet du manifeste est consultable ici, signé par les principaux acteurs du financement participatif en France (Babyloan, FriendsClear, Babeldoor,Wiseed, France Angels,…). Une version en anglais est aussi disponible.
Une manifestation de soutien au Manifeste et aux acteurs du Financement participatif est organisée le lundi 26 mars à la Bourse de Paris pour proposer aux élus de la Nation une série d'amendement à la Loi afin de soutenir le développement du financement participatif en France.
Quel est le problème règlementaire du financement participatif ?
Des dispositifs de mobilisation de l’épargne populaire dont la destination est “fléchée” existent déjà mais :
- Ils sont toujours indirects avec des systèmes de fonds collecteurs et de déversement dans des vases communicants (les fameux fonds “90-10” de l’épargne salariale – plus de précision dans mon cours sur les sources du financement participatif sur slideshare) et sans traçabilité de bout en bout.
- Ils sont toujours intermédiés, c’est à dire confié à la responsabilité de gestionnaires professionnels dont les décisions ne sont pas opposables.
De nombreux dispositifs tirent parti de ce contexte : les fonds “d’Epargne Salariale Solidaire” comme “Insertion Emploi”, les OPTF (Offre au Public de Titres Financiers) de Terre de Lien et d’autres organismes de l’économie durable et sociale, des réseaux comme France Initiative comptent également lancer des FCP d’épargne salariale (source : Benoit Granger), etc… sans compter les dispositifs institutionnels de mécénat d’entreprise et autres.
Le problème se pose, a contrario, sur les projets de petits montants financés en direct qui sont dénaturés par les mécanismes d'intermédiation et qui se retrouvent en porte à faux par rapport à la règlementation si ils l’outrepassent. La règlementation ayant été toute entière bâtie autour de ce modèle d’intermédiation, elle génère tout un ensemble de problèmes pratiques à tous les étages pour les activités de financement participatif.
Et cela est le cas y compris pour le don car lorsque l’on collecte en direct pour un projet avec lequel on n'a pas de lien institutionnel et que le projet n'a pas lui même de statut institutionnel autorisant la collecte, on est en pleine application de la règlementation anti-blanchiment (et le faire par carte bancaire n’y change rien).
La loi n'interdit pas explicitement le financement participatif, mais elle ne l'autorise pas non plus explicitement (en ce pays de droit objectif) et le régulateur a toute latitude pour utiliser tout ce qui est à sa disposition et d'en déplacer librement les curseurs d’application (on voit bien à quel bénéfice).
Pour sortir de cette situation et pour favoriser positivement le développement du financement participatif, nous souhaitons “Un cadre législatif et règlementaire qui prenne clairement position en faveur du financement direct, en tenant compte de ses spécificités et du fait qu'internet modifie et élargit les possibilités et la notion de communauté.”
Une formulation plus détaillée pourrait en être la suivante (il s’agit d’une proposition de ma part et non de la position officielle du groupe – les convergences qui apparaissent sont normales puisque j’ai été impliqué dans les échanges) :
(1) Autorisation explicite du financement direct de projets de montant limité par des particuliers (aussi dénommé financement participatif ou crowdfunding)
L'apport de financements par des particuliers pour des montants limités pour financer des projets de montant limité de toutes natures (lucratif ou non lucratif) quelque soit la forme du financement (don, participation, prêt, capital ou autres) et le caractère lucratif ou non lucratif de ce financement est autorisé lorsque le particulier dispose des capacités à :
- Obtenir des informations précises sur les projets lui permettant de déterminer son engagement
- Affecter directement son financement à un ou à un groupe de projets précisément identifiés
- Disposer d'une traçabilité sur les projets ou les groupes de projets sur lesquels il a affecté directement ses fonds et leurs états.
Des seuils pourraient être fixés à préciser pour ces opérations (seuil par projet et par apporteur de fonds unitaire et cumulé des opérations sur l’année). Les seuils actuels prévus par la règlementation, notamment la Directive Prospectus (levée de capital sans appel public à l'épargne) continuant de s’appliquer.
Cette autorisation est donnée dans le respect des règlementations existantes applicables à chacune des opérations (collecte de fonds, attribution de prêt, intégration de capital, fiscalité, etc…).
Allègement des contraintes de collecte de fonds pour les opérations de financement direct par des particuliers (financement participatif)
Les opérations de collecte de fonds pour les opérations de financement direct par des particuliers de projets telles qu'elles sont définies en (1) s'effectuent avec des contraintes allégées :
- L'identification des personnes est déclarative et peut se limiter aux informations permettant d'établir l'unicité de la personne et le moyen de la contacter (par exemple : nom, prénom, adresse, date de naissance, adresse email, numéros de téléphone).
- Le service [la plateforme d’intermédiation de financement direct de particulier] n'est pas tenu de réaliser une qualification des particuliers au sens de la règlementation MIFID (déterminer la compétence financière des investisseurs et ne leur permettre d'investir que dans des supports financiers correspondant à leur compétence)
- Sous réserve de la satisfaction des conditions fixées en (1), le service n'a pas à fournir d'information sous la forme d'un prospectus ou d'une notice visé. La règlementation sur les pratiques commerciales s'appliquant sur les obligations d'information.
- Le service recevant des fonds via des moyens de paiement bancaires traçables (virement, carte bancaire, chèque, prélèvement) n'a pas à assurer une obligation de contrôle des flux (antiblanchiment, antifraude) sur des transactions dont le contrôle est déjà effectué par les établissements teneurs de compte (cela ne s’applique pas à la réception d’espèces). L'obligation de dénonciation des transactions suspectes identifiées s'applique néanmoins.
Syndication des particuliers investisseurs en direct sur des projets
Pour les opérations de financement direct de particuliers tel que défini en (1), il est donné la possibilité au service de regrouper l'ensemble des particuliers contributeurs en une société en participation à laquelle est affectée les fonds apportés et dont la gérance est assurée par le service qui est à même de déléguer toute action à ses employés ou à des tiers (par exemple recouvrement).
Remarque : Il s'agit d'un modèle similaire au modèle du "producteur" et du contrat de "coproduction" tel qu'utilisé dans le cinéma ou la chanson et notamment par My Major Company où le “producteur” est “le chef d’orchestre” de l’utilisation des fonds.
Allègement des contraintes de transfert des fonds liées aux opérations de financement participatif
Le service est autorisé à conserver les fonds en transfert sur les opérations de financement ou de reversement des fonds tant que ces fonds sont strictement identifiés aux opérations de financement participatif et conservés sur des comptes séparés.
Agrément simplifié des services d'intermédiation mettant en relation porteurs de projets et particuliers financeurs
Les services dont l'activité est réduite aux opérations d'intermédiation mettant en relation porteurs de projets et particuliers financeurs sont exonérées des agréments correspondant aux opérations génériques qu'ils réalisent (collecte d'argent, vente de produits financiers, placement de financement de projet, gestion des flux financiers correspondants) lorsque ces opérations sont strictement liées à leur activité première telle que définie en (1). Cela concerne notamment les agréments de Prestataire de Services de Paiement, Prestataire de Services d'Investissement ou tout autre. Les agréments nécessaires à chacune des types d'opérations spécifiques de financement (octroi de prêt, constitution de fonds de placement, intégration de capital,…) continuent de s'appliquer.
Cette dispense d'agrément peut être accordée en contrepartie de la satisfaction d'un certain nombre de conditions qui peuvent être regroupées dans une charte.
Par exemple la P2P Finance UK Association propose les règles suivantes :
- Senior management systems and controls;
- Minimum amounts of capital;
- Segregation of participants’ funds;
- Clear rules governing use of the platform, consistent with the Operating Principles;
- Marketing and customer communications that are clear, fair and not misleading;
- Secure and reliable IT systems;
- Fair complaints handling; and
- The orderly administration of contracts in the event a platform ceases to operate
http://www.p2pfinanceassociation.org.uk/rules-and-operating-principles
Je ne pourrai être à Paris le 26 mars, mais je soutiens ce genre de manifestation. Je serai plutôt pour appeler cela le "financement collaboratif" plutôt que "financement participatif". Ca implique davantage l'implication de chacun des financier dans un projet et ça rejoint le thème développé dans la livre "Wikinomics, how mass collaboration changes everything". Très intéressant.
Sur mon blog, un article sur le financement participatif dédié aux artistes contemporains : http://www.artdeco-online.com/2012/02/24/le-financement-participatif-pour-les-artistes-contemporains/
Rédigé par : Jean-Gérard | 27 février 2012 à 11:34
Le petit epargnant qui veut participer au financement d'une queleconque start-up par la voie du web, a la possibilite de le faire grace a ce systeme de financement participatif. La rentabilite est certes plus importante que la bonne vieille Caisse d'Epargne, mais est-ce aussi sure ?
Rédigé par : options binaires | 07 juillet 2012 à 10:17
Y a-t-il des sites comme MYFIRSTCOMPANY.COM en France ? J'adore. Ce sont des petits montants à ma portée.
Rédigé par : Scaggio | 09 septembre 2012 à 16:35
@scaggio
en France, il y a Wiseed, Anaxago, Particuliers Associés, Finance Utile (qui sont tous membres de finpart)
Rédigé par : Nicolas Guillaume | 09 septembre 2012 à 18:24